Le Bonheur d’être soi

Aurélie COUSIN

Dès le début, j’aurais dû le savoir. Dès le début, j’aurais dû me douter que le chemin, sans jamais m’emmener dans des ravins, allait m’obliger à regarder ma boussole intérieure plusieurs fois dans la vie. Pour pas après pas découvrir le bonheur.

Née sourde et muette dans les années 60, je dois ma guérison à ma mère qui s’est battue avec le corps médical pour trouver une solution. Après une légère opération et un an d’orthophonie, je parle à l’âge de 5 ans….Et apprends la lecture au cours de la rééducation.

Entrée directe en CE1 sans passer par le CP. “Peut-être aura t’elle quelques difficultés à s’organiser”  disait l’institutrice à ma mère….si elle avait su.

Scolarité normale, quelques problèmes de santé toujours ORL mineurs mais qui m’obligent à faire quelques séjours loin de mes parents. Ces derniers m’insufflent insidieusement l’idée que je ne peux compter que sur moi….il faudra 40 ans pour que je m’en défasse.

Aurélie Cousin - 8Du piano, que je retrouverai à différents moments de ma vie. Un tout petit peu de sport. Rien d’extraordinaire.

Baccalauréat à 17 ans, au ras du fil (10,03/20). Une forte aptitude pour les langues vivantes. En effet, l’allemand par origine familiale, l’anglais pour l’international.

N’ayant pas alors démontré des compétences particulières en mathématiques, mais étant plutôt une bonne élève, mes parents décident de mon orientation pour moi : ce sera prépa HEC pour faire une « grande école ». A ce moment-là, je ne savais pas de quoi ils parlaient…

Me voici catapultée dans une des meilleures prépas parisiennes. Effectivement, mon excellent dossier scolaire d’un tout petit lycée de province avait fait son effet. Perte de références, certains de mes camarades de classe lisent déjà Le Monde Eco alors que j’en étais encore à Phosphore…

Une première année besogneuse me fait quand même déjà apparaître ce que je vais pouvoir faire en École de Commerce : du marketing. Mon but: comprendre qui est le consommateur. J’aurai pu faire des études de psychologie ou de sociologie. Si je devais réécrire ma vie, ce serait des études de médecine que j’entreprendrais. Mais mes parents ayant à l’époque décidé de mon cursus, pour m’intéresser à l’individu, c’est du marketing que je ferai.

Deuxième année de prépa un peu cahotique vers la fin. L’adolescente privée de liberté que j’étais commence en effet alors à expérimenter les sorties (à un mois des concours, mauvaise pioche)… Cependant, j’intègre quand même une des 5 premières écoles de commerce à l’époque, Sup de Co Rouen.

Ma soif de liberté se trouve nourrie par la possibilité de monter un BDE. Même si la trésorerie de l’association est équilibrée et le foyer des élèves repeint,je finis 148/150. Par conséquent, je suis convoquée pour les épreuves de rattrapage en septembre.

Été pourri, obligée de réviser mon droit alors que je fais un stage à Hambourg et que je ne visiterai pas la ville. En réalité, j’ai la sensation de suivre un parcours que je n’ai pas choisi…sans même le remettre en question ni en chercher un autre.

Aurélie Cousin- 5Les épreuves de rattrapage étant validées, je rentre en 2ème année et rencontre très rapidement celui qui deviendra le père de mes enfants. Même promo, même cité U, des centres d’intérêt en commun, il était facile de se sentir attirée…

Cette nouvelle situation entraînant probablement une nouvelle posture de vie, j’ai un déclic incroyable quant à la façon de travailler. Du jour au lendemain, sans que je puisse l’expliquer, je deviens efficiente, les notes augmentent, tout devient facile et fluide….aujourd’hui encore je suis incapable d’expliquer à mes enfants et à mes étudiants ce qui a provoqué ce déclic. si ce n’est peut-être le fait de m’aimer car j’étais aimée.

Fin des études, je remonte de la 148eme place à la 3ème, excellent classement en marketing et en finance, je goûte au plaisir de faire bien.

Début de carrière chez Nestlé, postes classiques de début de carrière en marketing. Un conjoint qui commence sa carrière au sein du groupe LVMH. Tout est beau, tout est tracé. Nous sommes en 1988.

1994, mon conjoint devenu mari est muté en province. Las de la vie parisienne, nous sommes ravis et je m’empresse de donner ma démission…postée un vendredi, ma lettre de démission sera sur le bureau du DRH le lundi…mais le samedi, j’apprends que je suis enceinte de notre premier enfant.

Impossible de récupérer ma lettre, j’assume ma décision, termine mon préavis et déménage en Champagne.

Je cherche un emploi, mais nous sommes en 1995, le contexte économique n’est pas favorable. Je suis enceinte, aucune société ne voudrait embaucher une femme enceinte et qui plus est, mon mari travaille pour un des plus gros donneurs d’ordre de la région donc concurrents et fournisseurs me sont fermés….dans une région économiquement assez spécialisée, cela laisse peu d’opportunités.

D’où un questionnement de ma boussole intérieure : que veux-je faire ?

La décision se prend alors en couple : retour à Paris. Négociation de mon mari avec sa hiérarchie pour être de nouveau basé sur Paris dès que j’aurai trouvé un poste. Je reprends mon bâton de pèlerin et me fait réembaucher par Nestlé.

Retour sur Paris en pleine grève des transports, un mois apocalyptique sur Paris mais dès janvier 96, retour au travail.

Nouvelle configuration car c’est la première fois que je travaille avec un enfant, donc l’organisation devient clef. Les mois s’écoulent tranquillement, mon deuxième fils annonce sa venue avec sérénité.

Mais en avril 97, les choses évoluent. Mon mari rentre un soir en m’annonçant que son nouveau patron veut délocaliser le siège de leur filiale au cœur de la production des vins dont ils Aurélie Cousin - 7s’occupent….en Californie du Nord.

Décision de couple à nouveau : juillet 97, c’est le départ pour la Californie, avec Guillaume, 2 ans ½ et Léo, 2 mois.

Je me pose alors la question de savoir ce que je vais faire : pas question de lâcher mon métier, le marketing. Mais impossible de trouver un visa de travail dans un pays qui exige qu’un Américain ne puisse pas effectuer le travail…ce qui en terme de marketing est très difficile. Je me lance alors dans le bénévolat pour le Lycée Français de San Francisco : marketing, communication, événementiel…une belle façon de découvrir la culture franco-américaine.

Un jour, mon mari m’annonce qu’on lui propose la prochaine destination : Buenos-Aires. J’achète une carte de la ville, je me renseigne sur les quartiers où résider, j’inscris les enfants au Lycée Français, nous prenons des cours d’espagnol…pendant un an….jusqu’au jour où mon mari m’appelle (je suis alors en voiture sur la Highway 101, il me demande de me garer…) et me dit que nous n’irons pas à Buenos Aires…Mais à Reims ou Hong Kong.

Pas du tout envie de retourner à Reims…donc ce sera Hong Kong avec les trois garçons, car depuis Julien est né. Même si les premières impressions n’étaient pas très bonnes, surtout en tant que Maman qui se demande comment elle va vivre avec ses trois garçons dans un tel endroit !!

Hong Kong, porte d’entrée sur l’Asie…Hong Kong, vie facile : employée de maison 6 jours/7, climat agréable…Nous y arrivons en 2001, soit 4 ans après la rétrocession d’Hong Kong à la Chine. La culture y est encore fortement anglo-saxonne. Cette partie de l’Empire du Milieu parle cantonais et non mandarin…Difficile d’y exercer mon métier. L’opportunité se présente alors d’enseigner en école maternelle au Lycée Français. Je la saisis, sans savoir que cette expérience me servira autant dans ma future vie de consultante. Il faut être extrêmement pédagogue et pratiquer une écoute active très fortement avec des enfants de 4 ans.

5 ans plus tard, la nouvelle destination se dessine : le Japon.

DéménagemenAurélie Cousin - 4t avec les trois enfants. De nouveau, en tant que Maman, il me faut installer la famille, reprendre des repères, s’habituer à ce pays tellement différent des autres pays que nous avons connus, apprendre une langue tellement…étrangère…et de nouveau aussi me poser la question de ce que je veux faire.

Rapidement, je repars dans le bénévolat : accueil des nouveaux Français, mon amour pour la communication et l’événementiel reprend du service. Le réseau tissé au fil des ans se met aussi en marche car une amie des Etats-Unis me demande d’accomplir une mission de marketing et communication au sein de la start-up qu’elle a créé dans le domaine de l’e-learning. Une expérience passionnante avec une équipe sur trois continents, qui durera 2 ans.

2010, nouveau changement : après avoir échafaudé des hypothèses de départ vers l’Australie ou de retour en Californie, c’est la France que nous retrouvons en avril 2010.

Les enfants ayant grandi (ils ont alors 10, 13 et 15 ans), je me destine à retourner au salariat…plus par raison qu’en m’écoutant. Je contacte mon réseau, j’ai très rapidement l’opportunité de donner des cours dans une prestigieuse école de Lille. Arrivée en France le 10 avril, je donne mon premier TD le 26 du même mois.

J’ai le sentiment que ma boussole a bien fonctionné, que j’ai su diriger le tracé de mon chemin comme je le voulais, qu’avoir gardé un pied dans mon métier me sert…

Jusqu’à un jour de mai, quelques semaines plus tard, où je comprends que mon couple est mort, qu’étant seule avec mes trois enfants sur Lille, le salariat va être difficile (à moi les réunions parents-profs, les rendez-vous chez le médecin..). Que je ne me vois pas chercher un travail dans l’état moral dans lequel je suis alors….Que la vie n’est pas un long fleuve tranquille…et que finalement, tout au fond de moi, si je m’écoute vraiment, je n’ai pas envie de retrouver un patron après avoir vécu ces 13 années de découverte culturelle et surtout de quasi-liberté. La perte de repères affectifs aide à prendre conscience de cette voix intérieure…même si on devrait en fait l’écouter régulièrement.

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En octobre, un ami me met en contact avec une personne qui a créé son cabinet de conseil en stratégie de développement et me propose de la rejoindre…l’aventure me tente et je la commence en janvier 2011. Vont s’enchaîner presque 3 ans de découvertes intellectuelles, d’esprit d’entreprendre, de projets de conférences toutes plus intéressantes les unes que les autres…

Parallèlement, j’intégre une association de dirigeants, ce qui va me permettre d’apprendre le métier de dirigeant, de partager mes joies et mes interrogations avec d’autres dirigeants, ce qui va me faire grandir.

L’aventure dans le cabinet se poursuit jusqu’à l’été 2013 où je sens que j’ai envie d’autres choses, d’un autre environnement de travail, d’autres valeurs…Les vacances d’été me permettent de décanter, d’entrevoir ce que je vais pouvoir (ou vouloir ?) faire « à la rentrée ». Je quitte ce cabinet en octobre 2013, décidée à vivre ma propre activité entrepreneuriale.

Mais une fois encore, la vie me rattrape et je dois accompagner dans ses derniers mois ma mère atteinte d’une tumeur cérébrale maligne.

J’essaie, en bonne super woman qui ne s’écoute que trop rarement, de tout pousser de front : la construction de la famille recomposée que la vie m’offre, un déménagement, un mariage, la maladie de ma mère. Je prends alors une des meilleures décisions de ma vie, conseillée par mon conjoint et une amie proche : je prends soin de moi. Je mets mon entreprise en veille, m’occupe de ma mère jusqu’à son dernier jour, me remarie, déménage…et me pose.

Là, enfin, je vais consulter ma boussole. Qui suis-je ? Que sais-je ? Qu’est-ce que je veux ?

Et grâce à ces questions, j’écris ma vision, je définis mes valeurs, je définis mon offre…Je veux accompagner des dirigeants d’entreprise, de PME et TPE, dans leur développement marketing et commercial, en prenant en compte leur ADN et leurs contraintes, et ce avec les outils que je maîtrise, le marketing. Je veux intervenir aux côtés de ces dirigeants, dans leur entreprise, pour ne pas leur plaquer une recommandation théorique, mais je veux remonter les manches à leurs côtés pour les faire avancer. Je veux mettre les outils marketing au service des hommes.

Et je lance le projet en janvier 2015.

Quelques mois plus tard, l’entreprise tourne, j’apprends tous les jours, je dois régulièrement me remettre en question mais jusqu’à maintenant, l’aventure est belle.

J’ai découvert aussi que je pouvais allumer des étincelles dans les yeux des gens que j’accompagne sur leur projet professionnel. Leur permettre de prendre conscience de leurs forces et talents est juste un moment magique et, je l’avoue, une grande fierté.

Aujourd’hui, je m’épanouis à permettre aussi bien aux entreprises qu’aux personnes à trouver ce qui va faire leur différence.

Ma famille va bien, je partage maintenant la vie de deux enfants de plus grâce aux deux  filles de mon mari. Mes enfants ont grandi, ils sont adultes et c’est bien chouette.

Et désormais, j’essaie régulièrement de vraiment regarder ma boussole…

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